En bas-Berry et dans la Marche Limousine.- (réactualisé en novembre 2024).- Subsiste en bas-Berry et dans la Marche Limousine, entre grande et petite Brenne, un rite funéraire qui fut commun dans les vieux terroirs, celui de la coupelle qui accompagne le défunt.
C’est ce qu’on désigne par "coutume de l’écuelle du mort". Elle prenait jadis des formes diverses. On jetait dans la fosse le récipient ayant contenu l’eau bénite.
On fabriquait à Moulins (Allier) des écuelles vernissées à oreilles pour l’eau bénite. Le récipient était jeté dans la tombe, en Bourbonnais, ainsi que dans les paroisses de la Marche Limousine. Dans cette petite région naturelle entre Cher, Indre et Creuse, on accompagnait le mort d’offrandes dont sa pipe, sa blague à tabac, son couteau, ses mitaines, un châle, une pièce de monnaie. On trouve l’écuelle dans laquelle on verse l’eau bénite. Cette écuelle est placée, jusqu’au début du XXè siècle, sur la tombe après l’inhumation. L’ethnographe Dieudonné Dergny a ainsi raconté l’usage qui en était fait dans les cantons du nord de la Creuse. Une personne transportait l’écuelle « à l’église avec le convoi en s’arrêtant à chaque calvaire de carrefour, où les personnes qui ne font pas partie du cortège viennent bénir le cercueil en disant une prière.»
Rite encore observé en 2012
L’usage persiste dans plusieurs cimetières du bas-Berry. C’est ainsi que dans le cimetière de Pouligny-Saint-Pierre (Indre), dans plusieurs cimetières de la région du Blanc (Indre), on peut observer, déposée sur les tombes, l’écuelle du mort, encore il y a peu. (Je l'ai observé en 2012 au cours d'une enquête de terrain). Persistance d’un rite qui voulait que le mort soit accompagné de son écuelle, objet usuel du quotidien dans les campagnes jadis, qui était aussi un objet personnel que l’on ne prêtait pas. Au XIXè siècle les jeunes filles du Berry ou de la Sologne qui entraient comme bergères ou servantes dans une maison, arrivaient en apportant leur écuelle comme rare viatique.
Aujourd’hui, l’écuelle du mort que l’on trouve en bas-Berry est souvent un simple bol en verre ou en gré et n’a conservé de son usage domestique ancien que sa forme. L’écuelle qui est l’objet familier de toute une vie ne pouvait pas échapper au voyage d’éternité… Ne croyait-on pas que le mort, dans son long chemin, devait pouvoir se nourrir comme il devait pouvoir payer le passeur… La vieille formule « il a laissé son écuelle » est une périphrase pour annoncer la mort de quelqu’un. La pièce de monnaie était là pour payer le passeur. J'ai eu témoignage à Ainaye-le-Vieil (Cher) de cet usage de mettre une pièce de monnaie dans une pochge du vêtemnt du mort.
On retrouve en cette année 2012 cet usage (date de mon enquête de terrain) dans quelques communes du nord de la Creuse. Les bols retournés sont de vieux bols qui ont accompagné les défunts une partie de leur vie. Le journal La Montagne dans son édition de la Creuse du 2 mai 2012 rapportait ainsi un témoignage: " Lors de la mise en bière, le bol est rempli d'eau bénite et les proches, les amis, les voisins, viennent jeter l'eau bénite avec une branche de buis qu'ils trempent dans le bol."
Faut-il rapprocher ce rituel des assiettes et bols à sel funéraire que l'on trouve dans certaines régions de la péninsule ibérique ?
* Ce rituel existe-t-il ailleurs ? Je ne l'ai pas trouvé en Périgord, j'ai eu un écho en Auvergne sans pouvoir le vérifier. J'ai effectivement vu des écuelles dans le cimetière de Pouligny-Saint-Pierre (Indre) en 2012.