Nous revisitons quelques châteaux sur les routes de notre Pays d’Oc entre Périgord, Gironde et Haut-Agenais. Et comme nous sommes sur les chemins d’oc, ces châteaux nous inspirent un ou plusieurs mots de notre langue d’oc. Et rappelez-vous, il n’est pas de pays de cocagne que de Périgord, il n’est pas de Périgord sans châteaux !
Tenez pour commencer le mot château.
Il est castèl ou castèu en languedocien dans le sud du Périgord, il est chatèou dans le nord du Périgord dans l'aire du dialecte limousin. Quant au castelan ici ou chastelan là-bas, c’est bien sûr le châtelain, celui qui habite le château.
Ici Moussûr désigne le châtelain et le cochon
Mais attention, dans notre Périgord on parlait souvent du château pour désigner la maison du bourgeois de la campagne. Ce fameux Moussûr (lo mossûr que l’on prononce moussu dans certains coins du Périgord méridional et mouchu dans le nord de la Dordogne) qui s’asseyait toujours au premier rang sur la même chaise dans l’église et qui envoyait ses enfants à l’école des frères à Bergerac ou chez les jésuites à Sarlat. Que sa maison soit un peu plus grande que les autres et c’était un château.
Notre ami l’écrivain périgourdin Michel Chadeuil résume bien cette situation ainsi : « Les châteaux en question n’étaient que des maisons et pouvaient même ne posséder qu’une seule cheminée. Je pense que la prétention des propriétaires justifiait seule que l’on en parlât ainsi. » Alors pour sûr nos châteaux pour cette découverte sont bien des châteaux, avec souvent de multiples cheminées, et grandes avec ça et des tours, et des escaliers qui tournent, et des poternes, et des remparts, et des barbacanes, et des encorbellements et des mâchicoulis, et des échauguettes, et des meurtrières, etc.
Lanquais, le Louvre inachevé dit-on...
Le château de Lanquais… L’usage du pluriel serait probablement plus juste. Deux châteaux sont accolés, qui balayent ainsi plusieurs siècles : un château fort qui conserve les attributs défensifs et un logis renaissance à l’élégance des palais italiens. La distinction est facile avec la grosse tour à mâchicoulis qui symbolise la partie défensive. Quant à la façade Renaissance, l’usage dit que les bâtisseurs ont voulu en faire une copie du palais du Louvre d’autant que les architectes étaient les mêmes qui avaient construit l’aile Renaissance du palais des rois en bord de Seine. D’où cette appellation de « Louvre inachevé du Périgord » …
A la Renaissance les apports du gothique ponctuent le palais, dont par exemple les voûtes en palmiers au sommet du grand escalier. Vous serez subjugués par la puissance et la finesse des cheminées. Mais la grande surprise est dans le riche ameublement, tout est dans le foisonnement avec meubles, tableaux, objets, le temps a accumulé le beau mobilier, les cabinets en marquèterie, les tentures en velours des lits, les porcelaines sur les crédences, la batterie de cuivres dans la cuisine.
Le fantôme de l'espionne de Catherine de Médicis
Le château distille l’atmosphère d’un mystère qui a croisé son destin. Avec le personnage d’Isabelle de Limeuil qui en fut l’hôte au XVe siècle, la belle espionne de Catherine de Médicis, mais aussi sa cousine. Et pour le final il y a les souterrains qui conduisent des caves jusqu’à 7 km de là, sur la rive gauche de la Dordogne.
Le grand escalier du château m’inspire le mot occitan degrà qui a de multiples acceptions. Dans sa forme première degrà c’est le degré au sens d’un niveau. On parle del degrà de lo suberne c’est-à-dire d’un échelon des crus de la Dordogne par exemple. Mais c’est aussi l’escalier. Frédéric Mistral lui-même dans son dictionnaire monumental Le Trésor du Félibridge emploie le mot graso pour degré en pierre ou marche d’escalier ou large dalle. Mistral y voit aussi un autre sens : celui de la margelle du puits. Dans certains coins d’Occitanie le mot degré désigne un particularisme architectural, ce sont des escaliers extérieurs aux maisons qui permettent ainsi de rejoindre l’étage. C’est ainsi que le mot a ce sens dans les Cévennes.
Biron, baronnie du sud
Descendons la frontière du Périgord et de l’Agenais, à Biron. Dressé sur une butte dominant le plateau, le château de Biron collectionne la succession des époques depuis le XIè siècle jusqu’au XVIIIe. Du haut de cette butte sept siècles vous contemplent. Ainsi est Biron, une des quatre baronnies du Périgord, château qui additionne les époques, les styles, perché sur une hauteur qui en fait une vigie du Périgord méridional et du Haut-Agenais.
Par temps clair Biron porte loin puisqu’au nord se dessine les ondulations du Limousin et au sud les sommets des Pyrénées s’esquissent sur l’horizon.
Visiter Biron c’est découvrir une grande variété architecturale depuis les remparts féodaux jusqu’à la terrasse du XVIIIe siècle ouverte au travers de sa colonnade sur le paysage boisé du pays de Monpazier.
La déambulation révèle quelques pépites telle la cuisine voûtée vaste comme une halle, la salle des Etats de Guyenne, la chapelle Renaissance avec les tombeaux.
Le fantôme de Charles hante le chemin de ronde le 13 juillet à minuit
Chaque année le château, propriété du département de la Dordogne, accueille une exposition d’art contemporain. Ce château fut le berceau de la famille de Gontaud-Biron qui occupa les allés de la haute aristocratie française du XIIe à la fin du XIXe siècle. Parmi les grands noms de la famille on cite le maréchal Charles de Gontaud Biron, proche de Henry IV, convaincu de complot et de haute trahison contre le roi, il fut condamné à mort et décapité dans la cour de la Bastille le 13 juillet 1602. La légende raconte que le fantôme de Charles de Gontaud Biron hante chaque année le 13 juillet minuit, les remparts de Biron. Une silhouette va ainsi, un homme portant sa tête sous son bras pendant les douze coups de minuit !
Cette légende du château de Biron nous renvoie à notre langue d’oc et au mot torna pour revenant, celui qui tourne, celui qui revient, du verbe tornar pour revenir ou retourner. Dans la tradition des contes et légendes on retrouve le torna en Limousin comme un être fantastique qui s’incarne dans une sorte de silhouette nocturne très vite assimilée à celle des âmes errantes. On peut aussi évoquer le mot torn (nom commun masculin) pour mauvais tour, tour de prestidigitation, tour de force. Le verbe tornar s’employait aussi pour exprimer une vengeance. Je vais lui tourner ce qu’il m’a fait : « vau li tournar ço qu’e ma fach… » Allez profitez, allez voir Biron et attention, évitez les remparts le 13 juillet minuit !...
Bienvenu chez Montaigne
Chez Montaigne il y a deux lieux : le château résidentiel qui est une reconstruction du XIXe siècle, à la suite de l’incendie de 1885, et la tour, sur le rempart, qui n’a pas bougé depuis le XIVe siècle, « au coin de ma maison » écrit Montaigne pour qui ce fut son lieu préféré.
Vous arrivez par le parc où déjà la monumentalité des arbres vous pousse à l’humilité et à la méditation. Mais lorsque vous passerez la porte de la tour dite de la Librairie, vous serez à la fois dans le temps jadis et dans un voyage d’humanité.
Retiré du monde sous les solives de la sagesse
C’est là que Michel Eyquem de Montaigne, retiré du monde, consacra son temps à la réflexion dans deux pièces qui dominaient la cour du château. Dans la première la bibliothèque, sa librairie, les quarante-huit solives sont gravées de stances latines et grecques empruntées à Lucrèce, Horace, Platon, Saint-Paul, etc. Ainsi celle-ci, de Térance : « Homme je suis : rien d’humain ne m’est étranger. » Et à proximité, la seconde pièce est un cabinet avec la cheminée et probablement la table de travail pour l’hiver.
Décrivant la librairie, Montaigne l’humaniste commente : « La figure en est ronde, elle n’a de plat que ce qu’il faut à ma table et à mon siège, et vient en se courbant m’offrir d’une seule vue tous mes livres, rangés sur des pupitres à cinq degrés tout alentours. Elle a trois fenêtres de riche et libre perspective, et seize pas de vide en diamètre. » C’était là son refuge, son jardin secret. Et il ajoute : « C’est là mon siège. J’essaye à m’en rendre la domination pure et à soustraire ce seul coin à la communauté et conjugale et filiale et civile. »
Le sage était aussi un voyageur
Montaigne nous renvoie à la langue d’oc avec sa passion des voyages. Il fit notamment un grand voyage vers l’Italie en 1580 et 1581 avec un détour par la Suisse et l’Allemagne. Emprunterait-il des chemins de traverse, les escoursières de l’occitan escoursiero ? Rappelons que chemin c’est camin en languedocien mais aussi en gascon (avec la variante cami en Périgord noir avec occultation du n final) ou chamin si on parle en limousin. Lorsqu’on utilise carriero ou charriero c’est bien pour désigner une voie dans le village ou la ville mais pas en campagne. On utilise le mot vio (au féminin) pour la route au sens de la voie. Que de cafourches (de l’occitan caffourco) (pour carrefour) a-t-il du franchir, mais sans carte juste avec les on-dit pour se diriger, il pouvait facilement « s’eicartar » ou s’écarter c’est-à-dire se perdre même s’il voyageait avec une suite de neuf personnes plus des mulets pour l’assister.
Il devra finalement rentrer alors qu’il est à Lucques en Italie (près de la ville de Pise) en 1581, il reçoit en effet un message l’informant qu’il vient d’être élu maire de Bordeaux. Il part le 15 octobre de Rome et arrive en son château de Montaigne le 30 novembre. Et si le courage vous en dit, il existe depuis peu entre Roanne et Clermont-Ferrand le chemin de Montaigne qui reprend une portion de l’itinéraire historique du retour de l’écrivain d’Italie.
Montréal, mémoire voyageuse
Nous sommes sur la commune d’Issac au château de Montréal.
De cette magnifique demeure construire au XVIe siècle sur une terrasse qui domine la vallée de la Crempse était issu le seigneur Claude de Ponbriand, compagnon de Jacques Cartier, explorateur de la baie du Saint-Laurent et de la future province du Québec.
Claude de Ponbriand accompagnait Jacques Cartier lorsque ce dernier mit le pied sur la terre nouvelle, le 2 octobre 1535, pour sa seconde expédition. Une question se posa : comment baptiser cet endroit, à l’aplomb d’une corniche qui domine la rivière ? En hommage à la France, au roi François 1er, et aussi sur la suggestion de Claude de Ponbriand par attachement à sa terre natale, on l’appela Montréal.
Ici c'est visite chez l'Ambassadeur
Ici à l’ouest du Périgord, le château d’Issac raconte cette mémoire des voyages, des explorations et conserve les traces de quelques grands capitaines. Jusqu’au dernier propriétaire, Bernard Faubournet de Montferrand, Ambassadeur de France, qui fut notamment titulaire des postes diplomatiques de New Delhi, Berlin, Tokyo et La Haye et dont la carrière est illustrée de nombreuses photos au fil des salles meublées.
Une partie du château, donnant sur un vallon, a conservé derrière une haute muraille son aspect austère, héritage de la bâtisse féodale. Depuis, le souffle de la Renaissance et du grand siècle est passé par là. Et a laissé, outre le logis, trois jardins en terrasses, l’un de roses blanches, le second rigoureux à la française, le troisième davantage poétique à l’italienne.
Au hasard de la visite vous verrez forcément cette bibliothèque ronde, aménagée dans une tour. Un lieu inspiré.
La relique de la Sainte-Epine
Ne manquez pas la chapelle dans laquelle est conservée une surprenante et rare relique. Autrefois ce bâtiment était la salle des gardes construite sur l’ancien rempart médiéval. Son aspect extérieur relève davantage du châtelet de défense que de l’oratoire. Ainsi transformée, la chapelle abrite près de l’autel, dans une chasse, une relique connue comme la Sainte-Epine de la couronne du martyr du Christ. Le précieux objet fut retrouvé dans une bourse sur le corps du général Talbot, chef de l’armée anglaise, tué à la bataille de Castillon qui mit fin en 1453 à la guerre de Cent ans.
Le site de Castillon, en bord de Dordogne, n’est pas si loin. C’est ainsi que le général vaincu fut dépouillé, et la relique confiée au château de Montréal.
Ici à Montréal la langue d’oc nous renvoie aux fleurs, jardins obligent. Le mot est « flor » que l’on prononce « flour ». On parle de la flor de març ou fleur de mars pour la violette qui annonce la poussée de l’herbe et le retour des troupeaux aux pacages. Autre fleur emblématique, le muguet, lo garral qui arrive fin avril et début mai, il annonce les dernières gelées parce qu’il va fleurir jusqu’aux saints de glace. Quant à l’orchidée sauvage, l’orc , elle ponctue les prairies et explose pour pendegosta, c’est-à-dire la fête de Pentecôte et annonce les fenaisons. Quant au bleuet, il prend des formes très diverses selon les terroirs occitans. Il est blao en sud Dordogne, flor persa dans la Double et en basse-Dordogne, tartarieja en Auvergne, escapanol dans l’Ariège et dans de nombreux coins le mot qui désigne le bleuet est le même que celui qui désigne le martin-pêcheur. Alors attention si on vous raconte qu’un bleuet a séduit un bleuet, il faudra se demander qui de la fleur ou de l’oiseau a commencé ?
A Monbazillac, santé !
Le destin des vins liquoreux est toujours accompagné d’une petite histoire qui prend rang de légende. Ici dans le bergeracois, le vin liquoreux de Monbazillac a la robe dorée comme un lingot d’or, doit son existence à la distraction d’un moine.
Ce n’est pas bien jeune, l’histoire nous renvoie au Xe siècle lorsque les moines qui étaient déjà vignerons sur ces coteaux, occupés à des taches plus urgentes que les vendanges, reportèrent à plus tard la cueillette. Et finalement lorsqu’ils se décidèrent, le raisin était pourri. Las, ils firent malgré tout le vin qui s’avéra exceptionnel. Ce fruit trop mâture, ce qu’on appellera plus tard la pourriture noble, est à l’origine de ce liquoreux aussi doré que les pierres blondes des maisons du Périgord.
Repère du vignoble, perché sur les coteaux sud de la Dordogne, le château de Monbazillac combine une double architecture médiévale, avec ses quatre tours à mâchicoulis, et renaissance. Le château est meublé dans un esprit Grand siècle.
Et après avoir déambulé dans les salles qui évoquent l’histoire du protestantisme dans la vallée, les figures d’enfants du pays dont le dessinateur Sem ou l’acteur de théâtre Mounet Sully, ainsi que le métier de vigneron, il sera tant de déguster de cet élixir qu’on vous promet depuis que vous avez mis les pieds dans le domaine. Avec modération bien sûr !
C'était le Madère du Périgord
Lauzun, le bel intriguant
Nous passons au nord du Lot-et-Garonne, pas loin d’Eymet, pour aller à Lauzun, site historiquement frontière entre le Périgord et l’Agenais.
L’édifice majeur du bourg de Lauzun qui fut fortifié, entouré d’un fossé et d’un rempart, est son château dont la première fondation date du XIIIè siècle, et qui a bénéficié de rajouts successifs jusqu’au XVIIIè siècle et d’importantes campagnes de restaurations depuis 1990.
Le dôme de Lauzun
Ce que l’on voit du château aujourd’hui est ultérieur au XVè siècle. Il comporte un vaste logis construit dans la seconde moitié du XVIe siècle, un dôme emblématique appelé aussi Le Pont couvert d’une toiture ronde en dôme qui assure la liaison entre partie féodale et partie Renaissance.
A l’intérieur deux cheminées monumentales en marbre, dans la salle des gardes et dans la chambre du roi sont souvent citées comme références de la Renaissance Italienne en France. On notera une très belle harmonie avec l’aile Renaissance qui a conservé en façade des colonnes témoins de ce que fut un ancien péristyle à l’antique.
En haut d’un escalier la porte des appartements d’apparat de cette aile est une œuvre magistrale encadrée de colonnes à chapiteaux corinthiens. L’impressionnante salle des gardes (XVIe siècle) a conservé son dallage de tomettes en losanges.
Le Duc de Lauzun: un homme de cour
L’historienne Sylvie Faravel, de l’Université Montaigne à Bordeaux, qui a écrit une longue étude sur le château de Lauzun parle d’une « résidence aristocratique » pour bien signifier qu’il s’agit d’un palais d’habitation et de réception.
Lauzun est marqué dans l’histoire par la famille éponyme avec la grande figure du Duc de Lauzun qui fut contemporain de Louis XIV, s’opposa au roi et bénéficia de ses largesses. Ce puissant était un insolent, un actif agent des intrigues de cour, d’ailleurs il fut davantage à Paris que dans son château du Haut-Agenais. Saint-Simon qui en brossa le portrait disait de lui qu’à la Cour il était « redouté de tous ».
Il eut une liaison orageuse à répétition avec Mlle de Montpensier (petite fille d’Henry IV) qu’il finit par épouser.
Grand joueur chanceux, il partit avec sa fortune en Angleterre où il devint conseiller de Jacques II qu’il accompagna dans son exil en France au château de Saint-Germain-en-Laye.
En terre occitane Lauzun nous renvoie aux mots d’oc liés à la culture des pruniers et au séchage des pruneaux typique du haut-Agenais. Le fruit c’est pruna que l’on peut prononcer pruno. Si on est un locuteur gascon on utilisera le mot pruèr. Quant à l’arbre il est comme en français prunièr avec une accentuation sur le è. Les prunes d’Ente une fois récoltées étaient déposées sur des claies de bois, les clisses, de l’occitan clisso. Premier séchage au soleil avant que les prunes ne passent dans le four domestique légèrement chaud. Ce four c’est lo forn et lorsqu’on est gascon c’est lo horn. Le bâtiment du four est lo fourniol qui est fournière en français régional qui devient fourgniou en limousin avec la variante de fournioau dans le Périgord blanc. Quant aux claies, on trouve aussi dans le nord de la Dordogne le mot cléda pour claie à sécher les châtaignes.
Duras, un château, deux styles
Nous sommes encore au nord du Lot-et-Garonne pour aller visiter un château construit sur un éperon rocheux dominant la vallée du Dropt et un gros bourg, il s’agit du château de Duras.
Ce puissant bastion se situait dans une zone stratégique pendant la guerre de Cent Ans, zone frontière entre les possessions anglaises et les possessions du royaume de France. Après la guerre de Cent Ans le château, par les choix familiaux, va à nouveau subir des turbulences, pris dans les exactions des guerres de Religions, la famille de Duras, les Dufort-Duras, ayant opté pour la religion Réformée.
Une Bastille en Haut-Agenais
Jusqu’au XVIIe siècle le château de Duras va conserver ses attributs essentiellement défensifs et souverains hérités de sa première construction, il ressemblait alors dit-on à la forteresse de La Bastille à Paris. C’est au XVIIe et XVIIIe siècles qu’il va bénéficier de profondes transformations, un véritable nouveau château va naître qui sera une demeure de plaisance érigée sur sa terrasse au-dessus du bourg avec un péristyle à l’italienne ouvert sur des jardins à la française.
Le château restauré à la fin du siècle dernier, après son rachat par la commune, a retrouvé toute sa beauté après avoir été remeublé grâce à un partenariat avec le Mobilier National qui a réveillé plus d’une centaine de meubles, objets, tapis et tapisseries, sortis des réserves.
C’est ainsi qu’on été privilégiés deux styles qui ponctuent l’histoire du château, le style médiéval d’une part et le style Louis XIV d’autre part.
La mémoire de Bertrand de Got
Dans l’ensemble architectural on retrouve l’esprit de la forteresse avec les tours d’angle qui encadrent un quadrilatère qui est l’édifice central du château. Sur la partie extrême de la courtine s’élève ce qu’on appelle le petit château où logeaient personnels, gens de maison et gens d’armes.
Le château garde la mémoire d’un des premiers constructeurs, le poète et troubadour Bertrand de Got, neveu du pape Clément V qui aurait reçu des fonds de son oncle pour cette entreprise. On parle d’ailleurs pour ce château d’un « modèle Clémentin ».
Naturellement les mots d’oc que nous inspire le château de Duras sont ceux de l’ameublement dans l’habitat traditionnel. Ainsi quelques mots avec cabinet de l’occitan gabiné ou gobiné. Il s’agit d’une armoire lingère de la fin du XVIIIè siècle, en bois noble : noyer, ormeau, cerisier. Le limandou, de l’occitan limandou pour armoire basse à deux portes. Ce serait aussi un confiturier à deux portes. Meuble incontournable; le dressoir, de l’occitan dressadou pour ranger la vaisselle où même la dresser sur des étagères ouvertes à la manière d’une exposition. Quant à la cadière ou chadière, c’est la chaise.
Bridoire revient de loin
Dernière étape sur les chemins des châteaux occitans du Bergeracois, aujourd’hui nous allons rendre visite à un ressuscité ; le château de Bridoire.
Nous sommes sur les coteaux de la vallée de la Dordogne, rive gauche, entre Monbazillac et Sigoulès, commune de Ribagnac. Bridoire est un vaste ensemble harmonieux qui échelonne ses constructions du XIIè siècle jusqu’au XIXe.
C’est ainsi que plusieurs éléments témoignent de l’aspect défensif du lieu qui avait fonction de forteresse au moment de sa construction. Il en reste des tours rondes à machicoulis, une grosse tour carrée, un châtelet d’entrée équipé jadis d’une herse et d’un pont-levis, une ancienne muraille qui supportait le chemin de ronde. Une façade de l’édifice fut au Moyen-âge protégé par un fossé.
Le cauchemar de la fin du XXè siècle
La partie villégiature est composée de deux corps de logis en retour d’équerre essentiellement reconstruits sous Henri IV. En effet Bridoire fut un repaire et un refuge de troupes protestantes au moment des guerres de religions, pris par les forces catholiques le château fut en partie détruit en 1568, mais aussi au XVIe siècle. Quasiment abandonné au milieu du siècle dernier il fut précipité dans un véritable cauchemar fait de pillages, de vandalismes, ouvert à tous les pilleurs qui s’attaquèrent non seulement aux meubles, aux marqueteries mais aussi aux sculptures, aux pierres des murs, aux cheminées et même aux structures.
Une association de défense du site se créa, des mouvements sensibilisèrent les médias, finalement après vingt ans de procédure l’Etat finissait par exproprier la famille Bokassa, l’ex-empereur de Centrafrique lui-même, propriétaire fantôme et indélicat, l’Etat devint propriétaire du site, lança des travaux jusqu’à la vente à la famille Guyot, grands repreneurs de châteaux et restaurateurs de grands sites en France comme le château de Saint-Fargeau dans l’Yonne ou de La Ferté-Saint-Aubin en Sologne. Restauré, réaménagé, remeublé, le château a enfin rouvert au public avec de nombreuses animations dont un accent mis sur les jeux collectifs traditionnels. On y pratique aussi des soirées à énigmes pour percer le mystère des fantômes et revenants.
L’escapade dans notre langue occitane que nous inspire le château de Bridoire, ce sont les jeux anciens. Au premier chef lo rampel ou rampeu (le rampeau), ce jeu de quille qui était typique des fêtes votives et qui se joue encore dans certains villages du pays Beaumontois, du Sarladais, mais aussi dans des villages du Quercy autour de Puy-l’Evêque. L’escaleta ou escoléto est le mot occitan pour la marelle, ce jeu traditionnel des cours d’école. Et s’il s’agit de jouer à pé-ranquet (composé de pé pour pied et ranquet pour sauter du verbe ranquejar pour sautiller ou claudiquer ou boiter) c’est le jeu dit « 1, 2, 3 soleil » qui a cloche pied doit mener le joueur de la terre au ciel sur un grille dessinée au sol dans la cour de récréation. Autre jeu, la rega (de rège ou sillon). Il s’agit de lancer des palés au plus près d’une rège circulaire. Mais attention, on ne doit jamais franchir la rega sous peine de pénalités. Voilà et si le cœur vous en dit, passez par Bridoire on vous initiera à quelques autres jeux anciens de nos votes (ou fêtes votives) en pays d’oc comme le tir à la corde, le chamboule tout, le jokari, la course à l’œuf et bien d’autres.