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Periberry

Ethnologie, Berry, Périgord, Auvergne, Bergerac, Dordogne, Loire, tradition orale, mémoire paysanne, recherche sur le paysage, randonnées pédestres en Auvergne et Pyrénées, contes et légendes, Histoire.


Profils Paysans et Mémoires Paysannes

Publié par Bernard Stéphan sur 20 Mai 2008, 18:58pm

Catégories : #recherches rurales

Le film de Depardon « La Vie moderne » qui est le troisième volet de « Profils paysans » me renvoie forcément aux dernières années de mon enquête « Paysans : mémoires vives ». Aller à la rencontre, écouter. Cette ancienne ouvrière au moulin à papier. Elle n’avait plus l’âge d’avoir des souvenirs et pourtant ses mains parlaient pour elle. Avec des mots d’aujourd’hui. « Plus jamais ça pour les femmes… plus jamais ça. »  Elle avait un rythme entre le temps lent de la terre d’hier et le temps rapide d’un atelier marqué par les pollutions : le bruit infernal des marteaux pour effilocher les chiffons, la marque profonde de l’acide sur les mains, la douleur des rhumatismes de ces corps toujours soumis à l’humidité. Il faut aujourd’hui aller arpenter l’éco-musée du moulin de la Rouzique à Couze-Saint-Front (Dordogne) pour comprendre.
Quand la dernière descendante de cette famille de paysans qui a suivi le modernisme, aujourd’hui, dit que la vie est devant elle, elle a quatre-vingt-cinq ans, quel bonheur ! Il y a toujours, devant sa longue maison à l’immense toiture qui abritait le « grenier à foin », les prés qui descendent vers les étangs, la colline coiffée de ses chênes truffiers et vers le sud, le vieux moulin à vent qui en dit long sur le temps d’avant. La dernière descendante dit que la vie est devant soi.
Je me rends compte que les paysans de cette génération ponctuaient le temps de beaucoup de silences et de gestes comme des virgules. On n’emploie plus de virgules… Des ponctuations des mots, du temps. Ma grand-mère paternelle rapportait souvent les dires du voisinage, elle ponctuait ses propos de l’expression unique suivante : « choudi ». C’était une forme de renvoie à « ce qu’il m’a dit ». Dans le journalisme moderne on dirait qu’elle « sourçait » son histoire. « Choudi » c’était une forme de reconnaissance de la parole des autres.



                         
Ils étaient aussi des écolos… Avant l’heure.  Rien ne se jetait, tout était recyclé.  On disait alors qu’ils étaient radins, aujourd’hui on dirait qu’ils sont écolos. Mais ils ne le savaient pas. Bien sûr ils se sont souvent mis dans la tête que leur austérité, leur ascétisme, leur pauvreté qui venait non seulement de leur condition, mais de la succession rapprochée de trois grandes guerres avec l’Allemagne en tout juste soixante-dix ans, était immuable ! Sauf à se sauver. Et en Périgord ils ont trouvé la porte de sortie au XXè siècle, ce fut l’école publique. Pour échapper à un autre sort, le balluchon et le chemin, l’exil vers les Amérique comme le firent les journaliers sans terre, avec la crise du phylloxéra à la fin du XIXè siècle. 
                       J’aime cette phrase de Depardon qui renvoie évidemment à la situation de mes paysans : « La contrainte du réel fait que culturellement, le monde agricole a plutôt tendance à montrer ce qui ne va pas, même chez les jeunes. Pour se préserver, comme un talisman. »
Mais ils ont toujours été soumis aux aléas… Aléa social avec la domination des puissants, aléas du marché et des prix, aléas du climat. Cette triple soumission vous forge alors un comportement qui fait de vous un être méfiant, taiseux et votre groupe devient profondément solidaire et replié.
Et il y a le paysage. Il n’y a pas de société paysanne, fut-elle moderne sans son lien au paysage. Le bocage  façonne un monde différent du pâturage sans rupture ou de la clairière sur le plateau forestier.
                      Alors il se trouve que de ces années-là (1960-1969) je n’ai pas d’images. Pas de film, pratiquement pas de photos, donc pas de regard direct. Tout est en mutation au travers du filtre du langage. Mes interlocuteurs reconstruisent un monde qui n’est plus le leur, qui n’est pas le mien ; est-il enjolivé, en font-ils le bon temps ? Je me suis pourtant battu contre ça.

Je recherche des photos (pas de cartes postales) et des films sur les travaux agricoles dans les fermes du Périgord enter 1958 et 1968. Qui peut me prêter ces vues et ces images ? Merci de transmettre ici.

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