La verte douceur des soirs sur la Dordogne.- Notre Dordogne, après les rapides des Pesqeyroux s'est assagie, elle trouve le calme et la douceur du bas-pays qui débute peu avant Bergerac.
Ici trône la statue de Cyrano et nous reviennent à l'esprit quelques vers extraits de Cyrano de Bergerac, offerts à la rivière :
« Écoutez…C’est le val, la lande, la forêt,
Le petit pâtre brun sous son rouge béret,
C’est la verte douceur des soirs sur la Dordogne,
Écoutez, les Gascons : c’est toute la Gascogne ! »
Brageirac dans sa version occitane... Ici c'est la Grande eau, « lo granda aygua », à partir de Bergerac la rivière est très portante... La ville est tournée vers sa rivière avec plusieurs ports historiques et son pont (appelé ici le Vieux Pont) construit vers 1200, détruit en partie par une grande crue en 1444, reconstruit laborieusement et livré à nouveau à la circulation en 1512. C'est ainsi qu'en 1615 une partie du tablier est emporté et une pile s'effondre. Mais de l'avis des chroniqueurs, l'ouvrage est très fragile face aux grandes crues de la Dordogne. En 1783 il est totalement détruit par un nouveau débordement. Il ne sera reconstruit qu'en 1822. Entre temps c'est un bac qui fit la fortune de plusieurs familles de bateliers du quartier de La Madeleine. On aménagea un port rive droite, au pied de la cité castrale, qui prit curieusement le nom de « port de Cadouin » ou quai Salvette, qui est de fait une vaste calada pavée (calada de cala, pour calle ou appontement). Le mot calada désigne dans certaines régions occitanes une rue en pente a l'image de la calle qui est une chaussée d'apontement en pente.
C'était le port du vin. Là étaient essentiellement embarquées les barriques de vin. En face, rive gauche, donnant au pied du Faubourg, le port de la Madeleine était celui des pierres à bâtir, des quartiers de calcaire, des gravas, du sel et du grès extrait dans le sous-sol de la forêt de Liorac. Ce fut aussi, grâce à la rampe de la calle, le secteur des lavandières, les bugadières qui allaient rincer les lessives dans l'eau de la rivière. Le mot bugadière vient de bugada (buée, lessive). Le bugadier était le cuvier à lessive. Frédéric Mistral ajoutait l'exclamation « que bugadiero ! » pour dire « quel bavard ! ». Par ailleurs une autre calle, rive droite, avec le port de Pardite était essentiellement vouée au bois et notamment aux carrassonnes (de l'occitan carassoun pour échalas de vigne). C'est aussi l’appontage des pêcheurs. D’importantes pêcheries ont marqué cette rivière dans sa traversée de Bergerac. Avec notamment l'usage de filets pour pêcher les aloses, ce filet appelé « escave », lancé au milieu de la rivière et ramené au bord pour « dépenter », de l'occitan « despontar », c'est-à-dire extraire le poisson des mailles du filet. Et si le cœur vous en dit, avant la suite du voyage, vous écouterez le chant des gabariers de la Dordogne. Il a été écrit en 1889 par Eusèbe Bombal.
« Le temps qui plaît au gabarier,
C'est quand il pleut : pour lui, c'est de l'argent,
Quand il en tombe comme qui la vide à seaux.
Du Haut Pays (la haute Dordogne) à notre port,
On charge jusqu'à ras bords.
Pas de fainéants ! L'été s'en va. Les filles auront pour Carnaval
Des jupons et des tabliers neufs…
Courage, les enfants, au travail.
Prenez votre élan,
Faites sauter le merrain
Les gabariers de la Dordogne. »